Qui manipule le cours de l’or et dans quel but?
Si les experts s’accordent tous à dire que l’or est une valeur refuge, la façon dont son taux est calculé est loin de faire l’unanimité. Ces dernières années, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer le fixing de Londres, qui fait office de référence mondiale. Le cours de l’or est-il réellement manipulé, comme l’affirment ses détracteurs ? Découvrez notre avis et nos explications ci-dessous !
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L’or est un actif très particulier : la réserve d’or n’augmente que très peu, et à un rythme prévisible, ce qui n’empêche pas ses cours de fluctuer énormément. Son prix est quant à lui fixé par un rituel qui date de près d’un siècle : le fixing de Londres, qui a été créé en 1919 pour redonner à Londres son statut de centre financier international après la Première guerre mondiale.
Le fixing de Londres, qui est actualisé deux fois par jour, est ainsi aujourd’hui utilisé par les banques centrales, les joailliers, le secteur de la finance et l’industrie minière : c’est une référence incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’or. S’il est aujourd’hui contesté, c’est à cause de la façon dont il est mis au point.
Chaque jour à 10h30 et à 15h00, cinq grandes banques se réunissent pour déterminer le cours de l’or, en utilisant une méthode qui n’a quasiment pas été modifiée depuis 1919. La seule chose qui a changé, ce sont les banques assises autour de la table, et le lieu de la réunion : autrefois, le fixing avait lieu dans les locaux londoniens de la banque Rothschild & Sons. Aujourd’hui, il se déroule par téléconférence. Le fixing est très rapide : en 15 minutes, les banques ont décidé du prix idéal, qui est ajusté de façon à ce que la différence entre les ordres de vente et les ordres d’achat soit la plus proche possible de zéro.
La première chose qui est critiquée, comme l’explique un article du Financial Times, c’est le fait que le cours de l’or n’est pas du tout calculé comme les autres taux. Le Libor, par exemple, est calculé de façon indépendante à partir de taux soumis par plusieurs banques internationales. Le taux des devises, quant à lui, est calculé toutes les 60 secondes à partir des achats et des ventes, de façon électronique.
Le cours de l’or, par contraste, est décidé par des «happy few», à savoir cinq grandes banques qui réalisent, pour leur propre compte ou pour le compte de leurs clients, des transactions sur l’or. Comme rapporté par le site Business Bourse, selon Rosa Abrantes-Metz, professeure à la School of Business de l’Université de New York, il y aurait là un conflit d’intérêt fort gênant.
Abrantes-Metz n’est pas la seule à affirmer que le cours de l’or est manipulé. Une étude publiée dans le Journal of Future Markets en 2013 va dans le même sens. Andrew Caminschi et Richard Heany, professeurs à l’University of Western Australia, ont étudié l’impact du fixing sur les transactions de « gold futures » de 2007 à 2012. Ils se sont rendus compte que, dans les quatre minutes suivant le début du fixing, alors que le cours de l’or n’avait pas encore été rendu public, le volume de transactions augmentait 50 %, avec une volatilité de 40 %… De là à parler de délit d’initiés, il n’y a qu’un pas.
La LBMA, qui organise le fixing, ne répond pas directement aux accusations de ses détracteurs et continue à protéger l’opacité du cours de l’or, ce qui n’arrange rien. Les temps sont sans doute en train de changer, car des organismes de régulation, comme le BaFin allemand, s’intéressent de plus en plus au fixing. Les banques membres de la LBMA ressentent d’ailleurs la pression : pour en finir avec les accusations de manipulation, la Deutsche Bank a ainsi quitté la table du fixing en 2013.
À cause de son caractère opaque et mystérieux, le fixing londonien est souvent accusé d’être manipulé. Dans l’avenir, il est probable que l’on aille vers plus de transparence, et voire même vers une réforme du processus.